La clause bénéficiaire détermine à qui et dans quelle proportion sera transmis le capital décès de vos contrats. Sa rédaction doit donc en tout point être conforme à votre volonté et à votre situation personnelle ; un divorce, un mariage, un veuvage, un conflit familial ou amical, une naissance… sont autant de raisons de remettre en cause ce que vous aviez rédigé lors de la souscription de vos contrats.
Si vous disposez d’une grande liberté dans sa rédaction, que ce soit dans la désignation des bénéficiaires, l’ordre de priorité ou la répartition du capital entre eux, veillez à soigner sa rédaction afin d’éviter que votre volonté ne soit pas respectée du fait d’une rédaction incomplète, erronée ou contradictoire. Dans ce cas, le capital décès peut être intégré à votre actif successoral ; vos héritiers supporteraient alors toutes les conséquences civiles et fiscales que cela implique, conformément à la législation en vigueur.
Exemple :
La clause de votre contrat d’assurance vie est ainsi libellée : « mon frère Paul ». Si celui-ci décède avant vous, et que vous ne changez pas votre clause, l’assureur sera dans l’incapacité de verser le capital décès dans les conditions avantageuses de l’assurance vie. Le capital qui sera alors réglé au notaire en charge de votre succession intégrera l’actif successoral, et sera soumis aux règles normales de partage et de fiscalité de la succession.
De même, si la clause bénéficiaire est imprécise telle que « mes héritiers », l’assureur peut être alors en difficulté pour trouver la ou les personnes à qui verser les capitaux décès. Or, selon la loi Eckert du 01/01/2016, les assureurs disposent de 10 ans à compter de la date du terme ou de la connaissance du décès de l’assuré pour faire aboutir les recherches du ou des bénéficiaires. À l’issue de ce délai, ils sont tenus de transmettre les sommes dues, au titre des contrats d’assurance sur la vie (ou des bons ou contrats de capitalisation) non réglés, à la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC). Les souscripteurs / assurés / bénéficiaires de ces contrats disposent alors de 20 années supplémentaires pour réclamer les fonds auprès de la CDC avant que ceux-ci ne deviennent définitivement la propriété de l’État.
Vous devez donc vous assurer régulièrement que la clause bénéficiaire de votre contrat est conforme à vos souhaits et, le cas échéant, la réactualiser auprès de votre assureur. La modification du ou des bénéficiaires prend effet dès réception, par l’assureur, de la demande de changement de clause bénéficiaire datée et signée par vos soins.
(1) Certaines solutions d’épargne retraite individuelle ou collective n’offrent aux bénéficiaires que le bénéfice d’une rente, et non le choix entre rentre et capital décès. Cela ne change néanmoins rien à l’importance de bien libeller sa clause bénéficiaire.
Si vous décidez de répartir les capitaux décès entre plusieurs bénéficiaires désignés, il convient de vérifier dans la répartition que la somme de toutes les parts est égale à 100%.
Exemple :
« Mes neveux et nièces par parts égales entre eux, à défaut de l’un, les autres pour la totalité par parts égales, à défaut mes héritiers selon dévolution successorale » ou encore « mon conjoint pour 70 % et mon fils pour 30 %, à défaut de l’un, l’autre pour la totalité, à défaut mes héritiers selon dévolution successorale ».
La mention « vivants ou représentés, par suite de prédécès ou de renonciation » permet, en cas de prédécès d’un des bénéficiaires désignés, que sa part revienne à ses enfants (ou ses petits-enfants en représentation de leur parent prédécédé).
Exemple :
Vous avez une fille, Isabelle, qui a 2 enfants, et un fils Jean, qui en a trois. Jean décède avant vous. Vous aviez rédigé votre clause de la façon suivante : « Mes enfants, par parts égales entre eux, à défaut mes héritiers ». Dans ce cas de figure, à votre décès, Isabelle pourrait recevoir 100 % des capitaux décès, la représentation de Jean ne pouvant jouer en assurance vie dès lors qu’elle n’a pas été expressément prévue.
Alors que si vous l’aviez rédigée ainsi : « Mes enfants par parts égales entre eux, vivants ou représentés par suite de prédécès ou de renonciation au bénéfice du contrat, à défaut mes héritiers », à votre décès, 50 % du capital décès auraient été versés à Isabelle et les 50 % restants, partagés entre les enfants de Jean qui viendraient en représentation de leur père décédé. Cette formulation permettra en plus à Jean, s’il vous survit, de refuser le bénéfice du contrat à votre décès, pour laisser ses enfants se partager la moitié du capital décès.
Il convient de prévoir la désignation de bénéficiaires subsidiaires afin d’éviter, faute de bénéficiaire déterminé au jour du décès de l’assuré (ou d’une désignation devenue caduque), que le capital décès n’intègre l’actif successoral avec toutes les conséquences, notamment fiscales, que cela implique. Ainsi, nous vous recommandons vivement de toujours terminer la rédaction de votre clause par la mention : « à défaut mes héritiers selon dévolution successorale ». Ainsi, si les bénéficiaires de premiers rangs ne sont plus vivants au jour de votre décès, ou renoncent au bénéfice du contrat, la désignation « mes héritiers selon dévolution successorale » entraîne l’attribution du capital décès en proportion de leurs parts dans votre succession ainsi que la prise en compte de dispositions testamentaires. Il convient par contre d’éviter la formulation « mes héritiers légaux » car elle ne prend pas en compte les éventuelles dispositions testamentaires.
Si vous optez pour ce type de libellé, pensez à l’actualiser en fonction de l’évolution de votre situation personnelle et/ou de celle de vos bénéficiaires désignés. Par ailleurs, pour éliminer les risques d’homonymie et éviter toute contestation lors du décès, nous vous conseillons de préciser pour chacun des bénéficiaires désignés, son nom, prénom usuel, date et lieu de naissance, lien de parenté et adresse.
Le cas du conjoint : une désignation nominative peut, dans le cas d’un mariage, puis d’un divorce, conduire au paiement du capital décès à un ex-conjoint désigné nominativement. À l’inverse, la désignation du « conjoint » induit le paiement du capital décès à la personne qui a cette qualité au moment du décès. Il peut être utile de préciser « mon conjoint non séparé de corps et non divorcé » ou « mon conjoint non engagé dans une procédure de divorce… ou de séparation de corps ».
Le cas des enfants et petits-enfants : si vous désignez nominativement votre premier enfant, à chaque nouvelle naissance la réactualisation de la désignation sera à prévoir si vous souhaitez que tous vos enfants soient bénéficiaires. C’est pourquoi la désignation « mes enfants, nés ou à naître, par parts égales entre eux, vivants ou représentés, par suite de prédécès ou de renonciation au bénéfice du contrat, à défaut mes héritiers » est préférable. Tous vos enfants seront alors bénéficiaires de votre adhésion. Cette recommandation est également valable pour une désignation nominative d’un petit-enfant. Dans ce cas, vous devez veiller à indiquer : « mes petits-enfants, nés ou à naître, par parts égales entre eux, vivants ou représentés, par suite de prédécès ou de renonciation au bénéfice du contrat, à défaut mes héritiers ».
La rédaction d’une clause bénéficiaire étant libre, le choix d’une association ou d’une fondation comme bénéficiaire est laissé au bon vouloir du souscripteur.
Néanmoins, vous devez vous référer aux règles qui prévalent pour les legs à des associations. L’association doit en effet faire partie de la liste ci-dessous :
Quant aux fondations, elles ont, toutes, la capacité à recevoir des legs. Si les fondations sont systématiquement exonérées de toute fiscalité, ne payant que les prélèvements sociaux sur la part d’intérêts reçue, la fiscalité applicable pour les associations varie selon l’association choisie. N’hésitez pas à nous interroger !
Pour ce type de désignation, il convient de terminer votre clause par «à défaut mes héritiers selon dévolution successorale» afin d’éviter que les capitaux décès soient réintégrés dans l’actif successoral du fait de la disparition de l’association ou si celle-ci n’est plus en mesure de percevoir des fonds à votre décès.
Exemple :
«Mon conjoint, à défaut, l’association Action contre la faim, 102 RUE DE PARIS, CS 10007, 93558 MONTREUIL CEDEX, à défaut mes héritiers selon dévolution successorale.»
Un assureur n’est pas habilité à garder et à gérer le capital décès après le décès de l’assuré. Nous devrons donc verser sa part de capital au bénéficiaire désigné même s’il est mineur. Nous vous invitons donc à anticiper cette situation en prévoyant, dans la rédaction de votre clause, le devenir des fonds jusqu’à ce qu’il atteigne la majorité. Un notaire pourra ainsi être désigné afin de répondre aux conditions que vous pourriez mettre en œuvre. Votre intermédiaire saura vous conseiller dans ce cas-là.
Vous pouvez choisir de déposer votre clause bénéficiaire pour l’ensemble de vos contrats d’assurance vie chez votre notaire. Attention de ne pas oublier alors d’adresser à toutes les compagnies d’assurance chez qui vous avez souscrit un contrat, une clause ainsi rédigée : « selon clause bénéficiaire enregistrée chez Maître X, notaire à Y (ville où est située l’étude), à défaut mes héritiers selon dévolution successorale ».
Pour un contrat souscrit au nom et pour le compte d’un enfant mineur par ses représentants, la seule désignation bénéficiaire en cas de décès autorisée est « Mes héritiers selon dévolution successorale ». Lorsque le souscripteur est placé sous un régime de protection judiciaire (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle ou habilitation familiale), la désignation bénéficiaire est soumise à des règles particulières.
Si la rédaction de votre clause demeure libre(2), ne pas désigner vos héritiers réservataires en qualité de bénéficiaires de votre contrat d’assurance-vie pourrait être contesté par ces derniers lors du dénouement du contrat s’il s’avère que vous y avez versé des primes manifestement exagérées* par rapport à vos facultés, dans le principal but de les évincer de leurs droits. L’épargne réalisée par le souscripteur (les intérêts restant acquis au bénéficiaire du contrat d’assurance vie) pourrait dans ce cas être réintégrée dans votre succession, avec toutes les conséquences, notamment fiscales, que cela implique pour le bénéficiaire.
* Selon article L 132-13 du Code des Assurances.
Pour vous aider à rédiger ou revoir votre clause, de sorte que ses effets soient en tous points conformes à votre volonté,
nous vous recommandons de nous contacter pour vous accompagner dans sa rédaction
(2) Sauf à de rares exceptions telles que quand le souscripteur est un mineur, ou quand le libellé de la clause bénéficiaire est contraire aux bonnes mœurs et à l’ordre public.
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